Le Darjeeling, le "champagne" des thés noirs
Auteur : Joëlle
Publié le : 01/03/24
Mis à jour le : 01/03/24
- Thés du monde
- Thé
En 1848, la Compagnie britannique des Indes orientales, envieuse des précieuses tisanes chinoises, missionna le botaniste Robert Fortune pour une tâche secrète : infiltrer l'empire des Qing afin de dérober des graines et des plants de théiers. Pour se camoufler, Fortune maîtrisa le mandarin, adopta la coiffure traditionnelle avec une longue natte, et se fondit dans le paysage local. Cette aventure a engendré un récit palpitant, regorgeant de détails sur la vie dans l'est de la Chine (voir "La Route du thé et des fleurs", éd. Payot & Rivages), ainsi que de 20 000 plants dissimulés dans de modestes serres.
Suite à cette ruse, les plantations de thé se répandirent dans les colonies anglaises, notamment à Ceylan et en Inde, près de la modeste ville du Bengale-Occidental baptisée Darjeeling. Aujourd'hui, ces contreforts himalayens abritent une variété unique obtenue par l'hybridation entre un théier local et celui rapporté par Robert Fortune. En raison du relief escarpé, la région compte seulement quelques plantations (sur 19 000 hectares), mais elles assurent les moyens de subsistance de 75 000 cueilleuses et de leurs familles. En effet, ce sont principalement des femmes qui s'adonnent à la cueillette, leur délicatesse étant préférée pour récolter les bourgeons et les premières feuilles, les plus prisés.
Les récoltes suivent un rythme saisonnier, se divisant en trois principales (et deux intermédiaires) :
La cueillette des first flush : Cette récolte printanière, la première de l'année, démarre à partir de la mi-mars. Les thés qui en résultent nécessitent une infusion légère. Leurs arômes sont profondément végétaux, agrémentés de notes de raisins muscats.
La cueillette des second flush, également appelée récolte d'été, s'étale de juin à août. Elle représente la majeure partie de la récolte annuelle. Les feuilles prennent une teinte brune, parsemée de nombreux bourgeons. Les arômes sont plus fruités, avec des nuances tanniques plus prononcées que ceux des first flush.
La cueillette des third flush, ou récolte d'automne. Les thés issus de cette cueillette sont généralement plus corsés et plus tanniques, souvent marqués par une forte oxydation.
Le Darjeeling, vendu jusqu'à 1 600 euros le kilo, ne représente qu'1 % de la production totale de thé en Inde. C'est véritablement un produit rare et précieux, à l'image d'un grand cru